Correspondances

Ecrire, quelle étrange aventure de sentir peu à peu ma solitude s’enfler généreusement comme un ventre de femme, de rencontrer des personnages inattendus qui m’imposent sans ménagement leur présence importune, ou me séduisent et disparaissent sans crier gare sous ma plume, à mon grand regret. Quelle cacophonie de couleurs, de parfums et de sons avant que chante la note juste. Quel rude travail, quelle plongée dans les profondeurs obscures et mouvantes de mon âme, avant la délivrance.

L’âme, un rien, un souffle, même un insignifiant morceau de bois bien caché au creux du violon : il est là, à l’exacte place où le luthier l’a posé, pour que soit maintenu l’exact espacement entre la table et le fond de l’instrument, pour que vibre et résonne le son, en parfaite harmonie avec l’âme de l’artiste, avec notre âme, petite étincelle divine bien cachée en chacun de nous et qui nous fait rayonner.

Eclairs, pluie, bourrasques : un genou dans la boue, ses cheveux rouges, hirsutes sur sa tête, le regard vert et fiévreux, Van Gogh cherche vainement à saisir de son pinceau les puissants troncs noueux des chênes ; alors, il prend le tube de peinture et l’écrase sur sa toile qui vibre dans le vent, et les troncs violets tout à coup, sont là, vivants dans le tableau, tandis qu’au sommet des arbres, tourne affolée, une lune jaune cerclée de blanc.

Ecrire, frotter l’archet sur la corde, peindre, c’est chercher les mots, les sons, les couleurs qui vibrent juste pour que, par delà l’espace, par delà le temps, entre en résonance l’âme cachée du monde.