Art

Vivre sans argent,
C’est possible
Sans habits
Possible aussi
Sans amis,
Difficile, mais possible
Mais
Sans œuvres d’art
Musique, poésie, peinture
Théâtre, Danse, sculpture, architecture
Impossible !

Pour l’animal humain
Dans son corps fini,
Infini, par l’esprit.
Comme l’eau
L’art, indispensable
A sa vie.


Quand je contemple
L’Annonce faite à Marie
De Philippo Lippi
La Flore
Du Printemps de Botticelli
Le Clown
De Rouault

Quand j‘admire
Le Saint Jean Baptiste
De Donatello
L’Aurige
De Delphes
Le sourire d’un ange
De la Cathédrale de Reims


Quand je me promène
Au milieu des ruines
De la Cathédrale de San Andrew
Aux vitraux de nuages
Quand j’aperçois
L’adorable Chapelle des Vernettes
Sise au sommet de la montagne
Quand se dressent devant moi
Illuminées par le soleil
Les colonnes du Temple d’Apollon
Blanches, dominant la mer violette

Quand j’écoute
L’Art de la Fugue
De Bach
Le Dies Irae
Du Requiem de Mozart
Les chants grégoriens
Du Chœur des Moines
A l’Abbaye de Solesmes

Quand je me répète à moi-même
Ces beaux vers de Valéry
« Ce toit tranquille, où marchent des colombes
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
[…]
Le vent se lève !...Il faut tenter de vivre
[…]
Rompez, vagues ! Rompez d’eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient les focs ! »

Quand je vibre
Au rythme effréné
Du Ballet du XXe siècle
Dans le Sacre du Printemps
De Stravinsky
Quand je me laisse envoûter
Par Jorge Down
Dansant le Boléro de Ravel
Par le pas de Quatre
Du Lac des Cygnes
A l’Opéra Garnier

Quand je me noie
Dans le bleu profond
Des vitraux
De la Cathédrale de Chartres
Soulevée par la grande houle des orgues
Jouant une fugue de Bach

Quand, entre les nuages,
Au sommet d’un col,
Apparaît brusquement
Le miroitement bleu glacé
D’un glacier
Scintillant au soleil
Qui me fascine

J’ai la délicieuse, fugitive et déchirante intuition
D’une furtive communion
Avec la partie invisible
Essentielle
Du monde
Celle qui fait sens.
Et chantent dans ma tête
Ces paroles qui ouvrent la Genèse
« La terre était tohu-et-bohu,
Une ténèbre sur les faces de l’abîme
Mais le souffle d’Elohîm planait sur les faces des eaux »

Pour moi, animal humain
Dans mon corps fini,
Infini par l’esprit,
Comme l’eau
L’art, indispensable
A ma vie.